L’AMF attend vos demandes de visa et l’administration fiscale attend vos déclarations de comptes « crypto »

Alors que tout le monde parle de la nouvelle « crypto-monnaie » de Facebook, la loi PACTE récemment promulguée a instauré un cadre juridique aux ICO (« initial coin offering », levée de fonds en crypto-actifs ou jetons). Largement commentée, cette loi réglemente les ICO en déléguant à l’autorité des marchés financiers le soin de compléter dans son règlement général les détails et aspects pratiques. Contactée en novembre dernier, l’AMF nous avait indiqué qu’elle ne modifierait son règlement général qu’à l’entrée en vigueur de la loi PACTE. Chose promise chose due, l’AMF vient de publier son règlement général actualisé des dispositions concernant les ICO et notamment de la procédure d’obtention de son visa, élément phare de loi PACTE. Concrètement quelles nouveautés ?

Non seulement l’AMF a modifié son règlement général en étoffant les dispositions du Code monétaire et financier issue de la loi PACTE mais elle a en outre délivré une instruction DOC-2019-06 qui détaille les obligations pratiques à mettre en oeuvre afin d’obtenir ce fameux sésame. Elle réitère donc les informations que doivent contenir les documents d’information et il sera obligatoire d’indiquer dans ceux-ci un avertissement précisant les risques inhérents à ce type d’investissement.

La notion d’offre public

A la lecture de ces documents, on apprend que les offres de jetons devront être ouvertes à la souscription à plus de 150 personnes, seuil fixé par l’AMF pour que l’offre soit considérée comme une offre ouverte au « public ». Nous savions que l’offre ne pouvait être formulée à un collège restreint d’investisseurs. Le cadre est désormais posé ce qui permet une plus grande clarté juridique.

KYC, obtention du visa

De plus, la lutte contre le blanchiment et le terrorisme ainsi que la sécurisation des fonds levés seront les deux clés de voute principales de l’obtention de ce visa. En effet, un dispositif dit KYC « Know Your Custumer » est inéluctable et l’émetteur de jetons devra mettre en place des procédures internes et un dispositif de contrôle des risques afin de s’assurer du respect des règles en la matière. Au regard, de la sauvegarde des fonds et de leur suivi, leurs dispositifs devront remplir des conditions établies à l’avance, l’émetteur devra indiquer dans quels termes il pourra convertir les actifs numériques recueillis en euros, devises étrangères et/ou en autre actifs numériques. Il sera également tenu de prévoir les conditions de remboursement des investisseurs avant la fin de l’offre et les modalités de sécurisation des fonds.

Un professionnel établi dans l’UE

Pour ce faire, l’AMF indique que l’émetteur pourra conclure avec un professionnel établi dans l’union européenne ou dans l’espace économique européen (avocat, notaire, huissiers), une convention de séquestre des fonds recueillis. La convention de séquestre devra déterminer les montants placés, la durée et les conditions de transferts ou de retrait. En ce qui concerne les avocats, ce compte sera nécessairement ouvert à la CARPA (Caisse des règlements pécuniaires des avocats) et pour les notaires, obligatoirement ouverts à la CDC (Caisse des dépôts et consignations). Les fonds devront être déposés toute la durée de l’offre ou jusqu’à la réalisation des conditions de retrait ou transfert. Enfin, pour parfaire cette sécurisation, l’émetteur devra mettre en place une adresse conçue pour recevoir et envoyer des actifs numériques correspondant au compte d’actifs numériques de l’émetteur, générée en utilisant au moins deux clés publiques, une gérée par l’émetteur et une au minimum géré par des tiers.

Documentation à fournir

Au regard de la demande de visa en elle-même, l’émetteur devra remettre à l’AMF :
=> son projet de document d’information ;
=> un exemplaire de leurs statuts et de leur k-bis à jour pour les émetteurs français ;
=> leur acte constitutif et l’acte d’enregistrement ainsi qu’un exemplaire de l’extrait L bis du registre du commerce et des sociétés pour les émetteurs étrangers ;
=> un bilan et un compte de résultat du dernier exercice comptable si possible ;
=> un extrait de casier judiciaire (bulletin n°3) des dirigeants mandataires sociaux ou équivalent pour les étrangers ;
=> tout document justifiant la mise en place des dispositifs évoqués précédemment ;
=> l’ensemble de la communication à caractère promotionnel ;
=> la documentation juridique afférente à l’émission de jetons.

Dépôt des documents

Le dépôt de la première version du projet du document d’information sera effectué sous forme électronique (PDF ou WORD) à l’adresse suivante : depotico@amf-france.org . Les autres documents seront déposés de la même façon. Il conviendra d’informer l’AMF des coordonnées du contact du responsable de l’émetteur et elle accusera réception dans les deux jours ouvrés après réception par voie électronique.

Sur la décision de l’AMF

Les émetteurs seront fixés relativement rapidement car l’AMF notifiera sa décision dans les vingt jours ouvrés qui suivent l’accusé de réception. En cas de refus elle devra motiver sa décision. Entre temps, elle pourra exiger toute information ou tout document complémentaire utile à l’instruction de la demande et indiquera si besoin ce qu’il conviendra de modifier. Une sorte d’accompagnement et un dialogue pourront apparemment s’instaurer lors de l’instruction de la demande. La validité du visa portera sur une émission de jetons qui ne pourra durer plus de six mois. Une fois délivré, le document d’information est mis à la disposition du grand public par l’émetteur sur son site internet et sera publié par l’AMF. Tout est donc en place pour accueillir les demandes de visa.

Point de vue de l’auteur

Pourtant, l’euphorie des ICO semble passée. La lenteur de l’adoption de la loi PACTE n’aurait-elle pas eu raison de la réactivité française initiale sur le sujet. A ce jour, aucun visa n’a été délivré. La liste est disponible sur le site de l’AMF. Au-delà des problématiques de levée de fonds via des ICO, le cabinet Acacia Légal souhaite rappeler que le gouvernement est venu préciser par décret les obligations déclaratives incombant aux détenteurs de comptes d’actifs numériques. Les articles 344 G decies et 344 G undecies de l’annexe III du CGI prévoient donc comme nous l’annoncions il y a quelque temps qu’à compter de 2020 les détenteurs de ce type de compte devront remplir un formulaire 3916 et indiquer comme cela est déjà le cas pour les comptes bancaires ouverts à l’étranger le bénéficiaire ainsi que toute information sur le compte et l’établissement dépositaire.

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